Conférence jeudi 14 avril consacrée à Miguel Trillo (13H30-15H30 Amphi Petit Prince) : intervention d’Anouk Chirol To, directrice du département d’espagnol de l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne, auteure de nombreux ouvrages et publications consacrées à l’image et à la photographie dans le monde hispanique.
Miguel Trillo est né en 1953 à Jimena de la Frontera près de Cadix (Espagne, Andalousie).
Il est l’un des photographes emblématiques du Rrollo et de la Movida, courants d’une contre-culture marquée par les esthétiques rock, pop et punk: c’est l’underground madrilène qui s’exprime dès 1973 mais qui va se déployer surtout dans les années de la Transition Démocratique (1975-1982).
Si les politiques font leur transition sur la base du consensus et de l’amnésie, les artistes prétendent aller plus loin et tordent le cou aux clichés et préjugés distillés par la dictature franquiste (1939-1975). Les déviants, les marginaux, les minorités, les tribus urbaines deviennent porteuses de nouvelles valeurs.
Miguel Trillo témoigne du renouveau de la vie culturelle espagnole après presque quarante ans de dictature franquiste. L’Espagne grise et soumise explose en un feu d’artifice transgressif et insolent: « Todo vale. » C’est une génération qui affirme sa liberté de création et qui assume pleinement la provocation vestimentaire, langagière, sexuelle…
Les artistes musiciens, peintres-plasticiens, cinéastes, écrivains se côtoient dans les bars, les salles de concert, les appartements de Malasaña, de Chueca et du Rastro: c’est la Movida madrilène dont la figure la plus (re)connue est Pedro Almodóvar. Leurs icônes: Iggy Pop, Lou Reed et David Bowie, Blondie et Siouxsie dans the Banshees, The Clash et The Sex Pistols. Leurs Q.G: le Rock-Ola, le Vía Láctea, le Penta….
Ce sont des années de création joyeuse et débridée, exit l’académisme, exit le professionnalisme, ce qui compte c’est jouer, peindre, écrire avec ses tripes et son âme. Ce sont des années d’éclate totale: alcool, sexe et drogues. Tout est bon pour en finir avec les clichés Made in Spain. Il faudra toute la violence et la cruauté du sida mais aussi, quelque part, la routine démocratique pour en finir avec cette douce révolution.
C’est aujourd’hui sur tous les continents que Miguel Trillo est à la recherche des tribus de jeunes, ces couples ou familles reconstituées autour de la musique, de la danse, du street art, de la sape, du tatouage, du skate ou de la moto.
Ces portraits continuent d’être, comme dans les années Movida, marqués par la simplicité mais aussi la posture, l’attitude, le style. La pose est prise par le modèle de façon assumée, le regard est franc et demande à être respecté, voire aimé.
Et c’est là où les portraits de Trillo nous bouleversent, c’est que ces jeunes de partout, nous les aimons profondément pour ce qu’ils sont, l’affirmation de ce qu’ils sont, la liberté qu’ils revendiquent et qu’ils incarnent.
Les jeunes de Trillo, américains, européens, africains, asiatiques, sont les membres de la « grande et belle famille humaine », « tous parents, tous différents».