Conférence de Philippe Rabaté
Jeudi 16 mars 13H30-15H30
Les personnages du Quichotte se déplacent beaucoup. De la province de Ciudad Real au front de mer à Barcelone, du plateau de la Mancha où se dressent les moulins à vent remplacés aujourd’hui par des éoliennes à l’Aragon, c’est un monde en mouvement que nous décrit Cervantès. Et ce monde est divers : hidalgos désargentés et aristocrates désœuvrés, paysans misérables et riches laboureurs, galériens et bandoleros, gardiens de troupeaux et montreurs de marionnettes, c’est une humanité jetée sur les chemins à la recherche de gloire, de vérité, de richesses ou de reconnaissance.
Cependant il faut bien parfois trouver quelque repos, ce que font les personnages de Cervantès contre un rocher dans la sierra, à l’ombre d’un chêne liège, autour d’un feu allumé par des bergers ou dans la demeure d’un grand seigneur. Sans oublier l’auberge, espace clos et protecteur mais aussi ouvert aux quatre vents, l’auberge qui accueillera de nombreuses scènes marquées par le hasard des rencontres et le goût des voyageurs pour les histoires lues ou racontées.
Plaisons-nous dès lors à nous imaginer nous-mêmes dans quelque auberge. Confortablement installés et bien décidés à passer un bon moment avant de poursuivre notre chemin dans des directions forcément différentes, amusons-nous à nous imaginer tenir un autre rôle que celui que la vie nous a assigné :
- Dans cette auberge improvisée, il nous faudra un licencié, un lettré, capable de nous guider dans des lectures qu’il nous reste à faire ou que nous avons été trop prompts à abandonner. Confions ce rôle aujourd’hui à Philippe Rabaté, ancien élève de la Rue d’Ulm, Agrégé d’Espagnol, Docteur en Etudes Hispaniques et Maître de conférences à l’Université Paris-X. C’est lui qui aura la charge de nous faire découvrir les multiples vies de Miguel de Cervantès et peut-être d’évoquer l’auteur génial et marginal auquel il a consacré sa thèse de doctorat, Mateo Alemán.
- Dans cette auberge, se tiendront aussi des amateurs de débats et de bons mots, réunis pour l’occasion et le plaisir de l’écoute attentive, de la conversation. C’est à vous que je pense pour ce rôle, public bigarré composé des membres exigeants de l’Université Corot, des étudiants d’Hypokhâgne au milieu du gué et des Khâgneux anxieux mais déterminés à la veille des concours, sans oublier nos jeunes curieux mais jamais impertinents de Prépa Eco, confrontés cette année à La Parole comme Question de Culture Générale.
- Dans cette auberge enfin, il nous faudra des fous sages, ces « locos cuerdos » qui croient encore qu’il est possible de se lancer dans des aventures improbables et que la vie n’est qu’une succession de défis. Pour ce rôle très particulier, je choisirai à la fois Sophia et Clara, nos deux étudiantes de Khâgne, occupées ces prochaines heures à peaufiner un merveilleux dialogue qu’elles nous feront entendre lundi, à l’occasion de la conférence Cervantès-Shakespeare qui nous réunira peut-être à nouveau. Mais aussi nous tous qui pensons que parler de Cervantès à Mantes, en 2017 vaut bien que l’on s’extirpe de nos habitudes pour nous confronter encore et toujours ou pour la première fois à la question essentielle de ce qu’est pour nous la littérature, bien au-delà des connaissances validées ou sanctionnées par les concours, à savoir la vie et la liberté.
Merci pour votre présence, votre attention. Je vous souhaite une très belle conférence qui se déroulera en deux temps. L’intervention de Philippe Rabaté qui permettra notamment aux étudiants d’enrichir leur réflexion autour des questions portées au concours, puis un temps d’échange pour préciser, confronter, partager. Que vous travailliez sur la question de la Parole, sur celle du rapport de l’œuvre à son lecteur ou de la liberté, ce sera à vous de jouer.