Dans le cadre de la préparation au thème de culture générale 2016-2017, La Parole, les ECE1 ont pu participer le lundi 20 juin à une rencontre avec des membres de l’Association 24 août 1944 qui œuvrent depuis des années à mieux faire connaître l’engagement des républicains espagnols à la fois dans les foyers de résistance entre 1941 et 1945 en France mais aussi et surtout dans la Nueve, cette compagnie de la 2 DB du Général Leclerc où les combattants parlaient espagnol et étaient menés par des sous-officiers espagnols.
C’est grâce au travail patient de collecte de documents et de témoignages des survivants de la colonne Dronne, aux revendications de vérité et de justice cent fois exprimées au cours de manifestations ou de réunions publiques que Véronique Salou et ses camarades ont pu enfin obtenir la reconnaissance du rôle essentiel et hautement symbolique de la Nueve dans la libération de Paris en août 1944. A leur engagement sans faille, il faut rajouter le travail de la journaliste Evelyn Mesquida dont l’ouvrage La Nueve a retenu l’attention d’Anne Hidalgo et a hâté la reconnaissance par les officiels de cette histoire longtemps oubliée et du travail des associations longtemps dédaigné.
Les avancées autour de cette mémoire au cours de ces dix dernières années: le trajet des 11 plaques commémoratives apposées par Bertrand Delanoé en 2004 avec la participation de l’Institut Cervantes de Paris, les cérémonies de 2014 et les discours d’Anne Hidalgo, maire de Paris d’origine andalouse jusqu’à l’inauguration récente, en juin 2015, du jardin du souvenir et de la plaque inaugurés par Felipe VI d’Espagne: un roi rendant hommage à des républicains espagnols antifascistes, tout un symbole!
Plaque jardin Nueve nouvelle version. -2
La journée a démarré par le « trajet des plaques » à pied entre la sortie du métro Nationale et l’Hôtel de Ville avec les commentaires proposés par Véronique Salou, Juan Chica Ventura, Ramon Pino et Serge Utgé Royo qui ont rappelé aux étudiants qui étaient ces combattants de la Nueve: des Andalous, des Galiciens, des Catalans… la plupart des anarchistes, de cet anarchisme ancré dans une Espagne paysanne et ouvrière le plus souvent analphabète à la veille de la guerre civile, d’anciens miliciens qui avaient combattu entre 1936 et 1939 contre les « nacionales » en Espagne et qui continuaient leur combat antifasciste en Afrique, en France puis en Allemagne jusqu’au « nid d’aigle ».
Véronique Salou, parce qu’elle avait de jeunes étudiants face à elle et Juan Chica Ventura en tant qu’artiste peintre, ont beaucoup insisté sur le lutte contre l’analphabétisme menée par la Seconde République y compris pendant la guerre, dans les tranchées, sur le front avec les fameuses brigades culturelles dont le rôle était de diffuser la culture parmi les combattants sous forme de représentations théâtrales ou de concours de poésie: les étudiants ont ainsi été très surpris d’apprendre que les combattants républicains aimaient écrire, réciter de la poésie, une poésie militante et utile, le Romancero de la guerre civile.
Malgré la pluie fine apparue en fin de parcours, les intervenants ont lu et commenté des témoignages de ces combattants de la Nueve qui pensaient que la libération de Paris serait le prélude à la fin du franquisme en Espagne. L’analyse proposée visait à rappeler brièvement comment le général De Gaulle allait passer de l’hommage à ces hommes à la trahison en conviant un représentant du général Franco aux cérémonies données en 1964 à l’occasion des vingt ans de la Libération.
L’après-midi, dans une salle mise à disposition par la Mairie du 4ème et bien à l’abri d’une pluie battante, étudiants, professeurs et intervenants ont pu débattre pendant plus de deux heures au sujet des motivations des combattants de la Nueve mais aussi des membres de l’Association qui perpétue leur souvenir, de l’anarchisme espagnol, courant politique très peu connu des étudiants qui avaient bien des questions à poser après les manifestations violentes qu’avait connues Paris en mai et juin: c’est notamment Ramon Pino qui a évoqué la tradition anarchiste en Catalogne et en Andalousie et expliqué que les anarchistes espagnols n’étaient pas des nihilistes. Il a aussi été question de mémoire historique et notamment des tensions entre communistes et anarchistes quant au rôle des uns et des autres dans la guerre civile et dans la Libération de Paris.
D’autres interventions d’étudiants ont permis de connaître le point de vue de Véronique Salou et de ses camarades sur la situation politique actuelle en Espagne. Il a donc été question des dernières élections, de la corruption, des revendications séparatistes en Catalogne. A chaque fois, nos quatre amis ont commenté, expliqué parfois avec passion, le plus souvent avec humour, leur point de vue de descendants d’Espagnols antifascistes exilés. Ces échanges menés dans le plus grand respect de la parole et de l’opinion de l’autre, se sont terminés avec un tour de table très émouvant qui a permis aux étudiants de dire ce qui les avait le plus touchés dans cette journée et à leurs guides d’un jour de les féliciter pour leur qualité d’écoute et leur attitude très positive.